
Face à un stress hydrique croissant, le Maroc s'arme de solutions durables. A Jorf Lasfar, sur la côte atlantique, l'unité de dessalement d’eau de mer du Groupe OCP, qui a bien saisi l’enjeu de ce défi majeur pour l’avenir du pays, incarne cette réponse stratégique. Opérationnelle depuis 2023, elle alimente désormais Casablanca Sud en eau potable et renforce l’autonomie en eau des sites industriels et des zones urbaines, dans le droit fil des Hautes Instructions de SM le Roi Mohammed VI en matière de résilience hydrique.
Dans ce port en eau profonde à vocation minéralière, énergétique et diverse situé à 17 km de la ville d'El Jadida et à 120 km de Casablanca, le visiteur est saisi par l’ampleur du site. Derrière les impressionnantes tuyauteries et les installations haute technologie, une mission nationale : garantir l’accès à une ressource vitale tout en réduisant la pression sur les barrages et les nappes phréatiques.
En effet, l’unité de Jorf Lasfar fait partie d’un programme ambitieux lancé par OCP Green Water, la branche du Groupe dédiée aux solutions hydriques durables. Adossée au nouveau "Programme Vert" du Groupe, OGW mise sur les eaux non conventionnelles pour sécuriser l’avenir. Dessalement, traitement des eaux usées, énergie verte : la boucle est pensée dans une logique de durabilité intégrale.
Avec 200 millions de m³ d’eau de mer dessalée par an, Jorf Lasfar est aujourd’hui le plus grand site du genre au Maroc. Cette capacité contribue notamment à l’approvisionnement en eau potable de Casablanca Sud (60 millions de m³/an depuis décembre 2024) et d’El Jadida (30 millions depuis janvier). Elle assure également l’autonomie hydrique du complexe industriel OCP local, à hauteur de 65 millions de m³/an.
"Nous avons réalisé cette unité dans des délais records, en moins d’un an, grâce à une ingénierie 100% marocaine", a expliqué avec fierté, le directeur opérations d’OCP Green Water (OGW), Abousselham Otmane.
"Seuls les équipements techniques ont été importés", a-t-il précisé dans une déclaration à la MAP.
Une innovation sobre et verte:
La prouesse ne tient pas seulement à la vitesse d’exécution, mais aussi à la performance énergétique.
"Nous utilisons l’osmose inverse, un procédé gourmand en pression, mais grâce à un système de récupération d’énergie, nous couvrons entre 40 et 50% des besoins énergétiques du processus", a fait observer M. Otmane. Résultat : une production optimisée de 3 kWh, entièrement alimentée par des énergies renouvelables.
"Dans le cadre du Programme vert du Groupe OCP, nous visons une capacité totale de 600 millions de m³ par an d’ici 2027", a fait savoir au micro de la MAP Fatime Ezzehra Akhrif, Project Control Manager à OGW.
"Aujourd’hui, nous atteignons déjà 240 millions de m³ entre Jorf Lasfar et Safi. Ce chiffre va croître avec l’entrée en service du pipeline Jorf–Khouribga, long de 200 km", a-t-elle relevé.
Ce pipeline, qui vient d'être lancé, assure à la fois l’autonomie en eau industrielle du site minier de Khouribga (35 millions m³/an) et l’alimentation en eau potable de la ville (10 millions m³/an).
Recycler pour mieux durer:
OGW ne s’arrête pas au dessalement. L’entreprise développe aussi la réutilisation des eaux usées traitées. Huit stations sont déjà opérationnelles, de Safi à Marrakech en passant par Fquih Ben Salah, pour une capacité totale de 35 millions de m³/an. La plus récente, à Marrakech, a été mise en service le 17 juin 2024 et traite à elle seule 12 millions de m³ par an.
Ces avancées sont le fruit d’une mobilisation collective, en étroite coordination avec les ministères concernés, les autorités locales et les entités du Groupe OCP comme JESA Manufacturing. Elles s’appuient aussi sur un solide partenariat avec l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), qui accompagne OGW dans les travaux de recherche et développement liés à l’optimisation des procédés et à l’innovation hydrique.
"Tous nos systèmes sont conçus pour fonctionner exclusivement à partir d’énergie verte", a rappelé Mme Akhrif. "Ce choix structurel reflète notre engagement pour un modèle de croissance circulaire, en phase avec la vision royale pour un Maroc résilient face au changement climatique."
Une stratégie nationale en marche:
Lancée dans un contexte de sécheresse alarmante, cette dynamique vient concrétiser la stratégie nationale de l’eau et les Hautes Orientations Royales pour la préservation des ressources. En 2022, OCP Green Water a activé un plan d’urgence en un temps record, sécurisant l’approvisionnement de ses sites industriels ainsi que des villes de Safi et El Jadida. Cette réactivité a marqué un tournant : le dessalement n’est plus une solution d’appoint, mais un pilier central de la souveraineté hydrique du pays.
Dans la foulée de ce succès, la station de dessalement d'eau de mer de Casablanca a été lancée par SAR le Prince Héritier Moulay El Hassan. Les travaux de construction ont débuté le 10 juin 2024, dans la commune de Lamharza Essahel, relevant de la province d'El Jadida. Cette station est considérée comme la plus grande du genre en Afrique.
La station de dessalement de Casablanca s'inscrit dans le cadre du Programme national d'approvisionnement en eau potable et d'irrigation 2020-2027, lancé par SM le Roi. Son objectif est de renforcer et de sécuriser l'approvisionnement en eau potable de toute la région du Grand Casablanca. Le projet est structuré sous forme de partenariat public-privé (PPP) et vise à répondre durablement aux besoins en eau potable et agricole d'une région en forte pression hydrique.
Cette initiative s’inscrit également dans le prolongement de multiples actions similaires portées par d’autres intervenants, notamment la région Casablanca-Settat qui est en passe de se doter d'une trentaine de stations de dessalement, dans le cadre des mesures prises pour faire face au stress hydrique et à la baisse des précipitations au cours des dernières années.
Il s’agit notamment de 28 stations monoblocs de dessalement et de déminéralisation de l’eau de mer (SMB), destinées à assurer l’approvisionnement de la population en eau potable, en particulier dans les zones rurales.
Mis en œuvre par la Société Régionale Multiservices (SRM) Casablanca-Settat, ces projets ont mobilisé un investissement de 400 millions de dirhams (MDH), réparti entre une contribution de l’Etat de 272 MDH et de la Région (128 MDH).
Pays où chaque goutte compte, le Maroc démontre ainsi que la technologie, portée par une vision nationale et un engagement local, peut transformer la contrainte hydrique en moteur d’innovation.
(MAP: 16 Juillet 2025)