Le premier président de la Cour des comptes présente le bilan des activités des tribunaux financiers au titre de l'exercice 2012

M. Jettou dresse l'état des lieux de la gestion et de la commercialisation des médicaments au Maroc
Le Premier président de la Cour des Comptes, Driss Jettou, a présenté, mercredi à Rabat, un exposé dressant l'état des lieux de la gestion et de la commercialisation des médicaments au Maroc.
Présentant un bilan des actions des tribunaux financiers pour l'année 2012, lors d'une séance plénière devant les deux chambres du parlement, la première du genre qui se tient conformément aux dispositions de la Constitution, M. Jettou a relevé que le ministère n'a pas encore élaboré une politique nationale des médicaments, pourtant nécessaire pour garantir l'approvisionnement en médicaments, y faciliter l'accès et en rationaliser la gestion.
M. Jettou a estimé que l'absence d'une telle politique "donne lieu à des dysfonctionnements dans la gestion de ces produits à tous les niveaux, à savoir l'autorisation, le stockage, l'utilisation et la tarification".
Concernant l'autorisation de mise sur le marché de nouveaux médicaments, son renouvellement pour les anciens produits, ou l'annulation de la commercialisation, la Cour a constaté plusieurs lacunes qui touchent particulièrement "le retard enregistré en matière d'analyse de certains échantillons, ce qui se répercute sur le délai d'octroi de l'AMM, l'absence des spécialistes concernés des réunions des commissions chargées de viser certaines AMM, l'absence des justificatifs de destruction des médicaments liés aux quotas industriels non-conformes aux caractéristiques, et le retard du renouvellement quinquennal des AMM".
Les constatations de la Cour des comptes concernent aussi "la procédure de tarification des médicaments, qui adopte des taux uniques appliqués sans distinction à tous types de médicaments, contrairement aux règles en vigueur dans d'autres pays qui adoptent des marges de bénéfices qui se rétrécissent à mesure que le prix de base du médicament augmente, donnant ainsi lieu à des prix élevés pour certains médicaments et des marges de bénéfices importantes au profit des distributeurs en gros et des pharmacies".
M. Jettou a souligné que l'initiative du gouvernement portant sur la baisse des prix de certains médicaments constitue un pas important qui doit être suivi par d'autres.
La Cour a, par ailleurs, relevé des défaillances concernant "la gestion par le ministère de la Santé de l'approvisionnement en médicaments des établissements sanitaires", aussi bien que "des cas de mauvaise estimation des besoins des services d'hospitalisation entrainant très souvent des cas de surestimation par rapport aux besoins et, du coup, un cumul des stocks et l'arrivée des dates de péremption sans l'utilisation des médicaments".
S'arrêtant sur la question de stockage, la Cour a constaté, poursuit M. Jettou, que les dépôts des médicaments ne répondent pas aux normes adéquates de stockages - comme c'est le cas du dépôt principal de Berrechid, ajoutant que les dépôts souffrent aussi de la mauvaise gestion, ce qui conduit, dans certains cas, à l'approvisionnement de certains délégations et hôpitaux en des médicaments dont ils disposent en quantités suffisantes".
L'un des cas de planification non judicieuse, a poursuivi M. Jettou, concerne "la construction en 1993 d'une unité de production des médicaments pour une enveloppe de 13 millions de dollars, dont 6 obtenus par un prêt contracté auprès de la Banque mondiale, mais qui n'a pas été utilisée à cette fin, mais fait office actuellement d'une décharge des médicaments périmés".
Et M. Jettou d'ajouter que l'achat des produits pharmaceutiques, en particulier les vaccins contre le pneumocoque et le rotavirus, "donne une autre image de la faiblesse de planification et de la programmation", faisant observer que "le programme des dépenses du ministère pour 2010 n'a pas prévu de fonds pour l'acquisition des vaccins et des produits biologiques, ce qui a entrainé le déblocage de fonds estimés à 640 MDH d'autres lignes du budget du ministère pour l'achat de ces vaccins".
M. Jettou a souligné que la procédure d'achat des deux vaccins susmentionnés a été "entachée de plusieurs dysfonctionnements", ajoutant que la procédure réglementaire d'acquisition des vaccins n'a pas été respectée. Celle-ci stipule la consultation du comité national technique et scientifique de vaccination et les directions du ministère concernées par la vaccination, dont la direction de la population et celle de l'épidémiologie et de lutte contre les maladies.
La Cour des comptes déterminée à intensifier ses missions de contrôle des collectivités territoriales
Le premier président de la Cour des comptes, M. Driss jettou, a indiqué que la Cour est déterminée à intensifier ses missions de contrôle au niveau des collectivités territoriales.
Lors de la présentation du résumé du rapport de la Cour des comptes au titre de l'année 2012 devant une séance commune des deux Chambres du Parlement, M. Jettou a rappelé que les cours des comptes régionales ont programmé 150 missions au titre de l'année 2013, contre 96 missions en 2012, soulignant que ces missions ont porté sur les provinces, les communes urbaines et rurales et la gestion déléguée des services publics locaux.
Il a relevé que ces missions visent à "évaluer la gestion de ces différentes communes, dont certaines lointaines, à déterminer les contraintes et les dysfonctionnements au niveau de leur gestion et à faire des recommandations pour améliorer leur travail afin qu'elles puissent contribuer de manière effective et efficace à la réalisation du développement local escompté".
Les missions de contrôle réalisées au titre de l'année 2012 ont fait ressortir un ensemble d'observations au sujet des prérogatives des collectivités territoriales, a ajouté M. Jettou.
Les rapports des cours des comptes régionales ont enregistré des carences relatives à une fonction de planification déficiente et une vision stratégique étriquée dans la majorité des collectivités territoriales, a relevé le premier président de la Cour des comptes, précisant qu'il a été noté "un grand retard dans la préparation et l'adoption des plans relatifs à la période 2009-2015, la non concordance entre les ressources financières limitées des communes, notamment rurales, et leur contribution importante dans le coût des projets programmés".
S'agissant des ressources humaines, considérées comme un pilier majeur de l'administration territoriale, M. Jettou a relevé l'absence d'une administration efficace à même de contribuer à une bonne gestion de la chose locale dans de nombreuses communes, précisant que les ressources humaines dans les collectivités sont au nombre de 150 mille personnes qui coûtent 10 milliards de DH (MMdhs), soit 57 pc de leur budget de fonctionnement.
M. Jettou a également noté une série de carences concernant la gestion des ressources financières des collectivités territoriales, ce qui ne manque pas d'avoir des retombées négatives sur leurs finances, tout en les privant de récolter d'importantes recettes fiscales.
En dépit de la réforme du système fiscal, a déploré M. Jettou, les collectivités territoriales continuent d'être dépendantes des ressources transférées par l'Etat et qui ont atteint en 2012 quelque 17,8 milliards DH, ajoutant que les recettes fiscales propres de ces collectivités (11 MMdhs en 2012) n'ont pas atteint un niveau qui puisse leur garantir une autonomie financière.
Relevant que les collectivités disposent d'un grand potentiel fiscal non exploité tant au niveau de l'assiète que celui du recouvrement (les montants non recouvrés ont atteint à fin 2012 environ 10 MMdhs), M. Jettou a appelé à une réforme profonde du système fiscal actuel afin de permettre aux collectivités de satisfaire leurs besoins en financement, annonçant que la Cour des comptes et les cours régionales préparent actuellement un rapport thématique sur la gestion de la fiscalité locale.
D'autre part, M. Jettou a énuméré les dysfonctionnements au niveau de la gestion des équipements et des services publics assurée par les collectivités territoriales, ce qui affecte de manière négative leurs finances et la qualité des services fournis aux usagers.
S'agissant des services en gestion déléguée à des sociétés privées, M. Jettou a souligné que ce modèle de gestion, qui a permis de réaliser certains résultats positifs, est encore entaché de nombreuses carences limitant son efficacité et influant négativement sur la qualité des services et sur les droits des collectivités concernées.
Ces carences sont relatives notamment à la nature des contrats qui donnent à la société délégataire des pouvoirs élargis au détriment des projets programmés, des services fournis, et de l'autorité délégante, a souligné le président de la Cour des comptes, précisant que ces sociétés présentent "des données financières et comptables imprécises et ce, en prenant en compte des dépenses injustifiées et faites hors contrat, des investissements exagérés et des recettes indues".
M. Jettou a attribué ces carences principalement au fait que l'autorité délégante ne dispose pas de la personnalité morale et de l'autonomie financière et à l'absence d'un mécanisme efficace de suivi et de contrôle de la gestion déléguée, ainsi qu'à l'insuffisance de ressources humaines qualifiées.
A ce propos, M. Jettou a indiqué que la cour des comptes et les cours des comptes régionales préparent actuellement un rapport thématique relatif à la gestion déléguée des services publics locaux dont l'objectif est de diagnostiquer ce mode de gestion, proposer les moyens de remédier aux dysfonctionnements enregistrés dans ce domaine, à travers des recommandations, la mise en place d'une bonne gouvernance et de mesures institutionnelles et juridiques relatives à la procédure de conclusion, de suivi et de contrôle des contrats de gestion déléguée, précisant que ce rapport sera prêt fin juin prochain.
Le nombre des déclarations obligatoires de patrimoine des responsables publics a atteint 16.000 depuis 2010
Le nombre des déclarations obligatoires de patrimoine des responsables publics, déposées auprès de la Cour des comptes depuis l'entrée en vigueur en 2010 de la réglementation s'y afférent, a atteint 16.000, a indiqué le premier président de la Cour des comptes, Driss Jettou.
M. Jettou a fait savoir que le nombre total des déclarations déposées auprès des conseils régionaux des comptes a atteint plus de 82.000 déclarations.
Près de 20 pc des personnes concernées n'ont pas fait leurs déclarations de patrimoine, a-t-il relevé, les appelant à régulariser leur situation conformément aux lois en vigueur.
Le premier président de la Cour des comptes a signalé, d'autre part, que la mise en œuvre du système juridique régissant la déclaration de patrimoine a dévoilé quelques défaillances et contraintes juridiques et financières qui limitent son efficacité.
Parmi ces contraintes, M. Jettou a cité la dispersion et l'ambiguïté des textes juridiques, la complexité des règles et des procédures pour les différentes catégories des personnes concernées par la déclaration de patrimoine, et l'enchevêtrement des rôles des organismes chargés du contrôle et du suivi.
Et de faire savoir que la Cour des comptes a élaboré un projet de loi visant à amender et à mettre à niveau le cadre juridique relatif à la déclaration de patrimoine, qui fera l'objet d'une large concertation avant sa présentation pour approbation au gouvernement et au parlement.
Compensation: M. Jettou appelle à la création d'une commission de veille pour une meilleure coordination entre les différents organismes
Le Premier président de la Cour des comptes, Driss Jettou a appelé mercredi à la création d'une commission de veille, qui devra assurer une meilleure coordination entre les différents organismes du système de compensation.
Outre la Caisse de compensation, cette commission doit être composée de représentants des instances professionnelles, des ministères et des administrations concernées, a indiqué M. Jettou.
Ladite commission aura pour objectif de garantir une veille permanente sur les fluctuations des cours du pétrole et l'évolution du marché des changes, et une exploitation optimale des baisses des prix.
Elle a aussi pour mission de faire le suivi des niveaux des stocks auprès des professionnels, d'assurer la constitution de stock stratégique et de déterminer les conditions de son financement et de son contrôle.
En attendant un mécanisme efficace qui devra cibler les couches défavorisées ayant besoin de subventions, la Cour des comptes recommande de distinguer entre la subvention des produits de base à caractère social comme le sucre, la farine et le gaz butane destiné aux ménages et les subventions des produits pétroliers liquéfiés qui peuvent être supprimées progressivement et réorientées vers des investissements dans des chantiers économiques structurants.
M. Jettou a ainsi souligné l'importance d'investir dans le secteur des transports et de moderniser le parc automobile dont la moyenne d'âge atteint actuellement plus de 12 ans, afin de réduire le taux de leur consommation du carburant et limiter la pollution.
Il a également appelé à investir dans le transport public inter ou intra urbain comme le métro, le tramway et des bus au gaz naturel, et à élargir le réseau de l'Office national des chemins de fer à l'ensemble des régions du Royaume, en vue d'alléger la pression sur les routes et de réduire les accidents de la circulation.
Il a également souligné l'importance de soutenir l'investissement dans le secteur agricole qui consomme 40 pc des subventions accordées au gaz butane, soit environ 5,6 milliards de dirhams (MMDH) en 2013.
La Cour recommande aussi une réforme de l'Office national de l'électricité et de l'eau potable, dont une part des difficultés liées au retard d'exécution de son programme d'investissement pour la période 2006-2012 a été dissimulée.
Selon M. Jettou, il fallait revoir la politique tarifaire appliquée, tout en prenant en considération l'aspect social, en renforçant les capacités de l'office d'une façon qui lui permettra de récupérer sa liquidité financière, d'améliorer les indices d'exploitation, de payer ses arriérés et de réaliser dans les délais son programme d'investissement au titre de la période 2012-2017.
Afin de faire face à la hausse croissante de la demande sur l'énergie et réduire la dépendance vis-à-vis de l'étranger, il faut une bonne application de la stratégie énergétique nationale, a estimé le responsable.
En ce qui concerne la gouvernance du système de la compensation, il a jugé judicieux d'élargir les compétences de la Caisse de compensation qui ne doit pas servir uniquement d'organe de dépense de subventions, mais plutôt contribuer à la veille permanente sur les risques financiers qui guettent le pays.
Les dépenses de la compensation ont augmenté de 4 MMDH en 2002 à 56 MMDH en 2012, avant d'atteindre 42,6 MMDH en 2013, soit 6 pc du PIB.
La réforme des systèmes des retraites requiert la mise en place d'un régime bipolaire qui convergera vers un régime unique
La réforme des systèmes des retraites à moyen et long termes requiert la mise en place d'un régime bipolaire public/privé qui convergera vers un régime unique, soutenu par des régimes obligatoires et d'autres complémentaires, a estimé, mercredi à Rabat, le premier président de la Cour des comptes, Driss Jettou.
Le premier président de la Cour des comptes a également appelé à généraliser la couverture à travers l'intégration de la population active non salariée, composée notamment des professions libérales et des employeurs assujettis à la taxe professionnelle.
Il a, en outre, souligné la nécessité d'améliorer la gouvernance et de créer un organisme indépendant de veille susceptible de suivre la réforme des régimes des retraites.
M. Jettou a aussi appelé à préserver le pouvoir d'achat des retraités à travers la mise en place d'une réforme graduelle qui préservera les acquis du régime actuel et d'un régime complémentaire obligatoire et optionnel, ainsi que la recherche de solutions prenant en considération le caractère pénible de certaines professions.
Pour ce qui est du diagnostic réalisé par la Cour des comptes, M. Jettou a fait savoir que les systèmes de retraite actuels, plus précisément la Caisse marocaine des retraites (CMR), souffrent de déséquilibres structurels, ajoutant que les études ont relevé que le total des engagements non couverts des quatre régimes de retraite examinés, actualisé à fin 2011, s'élève à 813 milliards DH.
Compte tenu du retard enregistré dans la mise en oeuvre de la réforme des retraites, le responsable a affirmé que la situation des caisses ne pourra que s'aggraver davantage, le budget de l'Etat se trouvant dans l'incapacité de résoudre la situation déficitaire des caisses.
Il a, par ailleurs, rappelé que l'expérience de la réforme des retraites à l'échelle internationale a porté sur 4 principaux axes, notamment de relever l'âge de retraite entre 65 et 67 ans, le calcul de la pension de retraite sur la base moyenne des salaires d'une période de plus de 15 ou 25 ans, ou la durée totale de l'activité professionnelle, l'augmentation de la proportion des cotisations et la création de systèmes de retraite complémentaires.
(MAP-21/05/2014)