Dans l’arène du commerce international, où la compétitivité se mesure désormais autant par la force des marques-pays que par les volumes des échanges, le Maroc a franchi un seuil aussi symbolique que stratégique avec le lancement officiel du label "Made in Morocco".
Concrètement, le Royaume a fait le choix de graver son identité industrielle dans ce label appelé à dépasser la simple logique de communication pour s'imposer comme un véritable instrument de souveraineté économique.
Loin d’être une initiative isolée, ce label vient consacrer près de deux décennies de transformation profonde du tissu productif national. Les chiffres traduisent cette mutation avec éloquence. Les exportations marocaines sont passées de 200,8 milliards de dirhams (MMDH) en 2014 à près de 455 MMDH en 2024, soit une progression de 120%, portée par des secteurs à forte intensité technologique tels que l’automobile, l’aéronautique et l’agroalimentaire.
Ce que révèle cette ascension fulgurante dépasse la simple performance macroéconomique. Elle témoigne d'une mutation profonde du tissu productif national, qui est passé du statut de base d'assemblage à celui d'écosystème industriel intégré.
"Le label arrive dans un contexte exceptionnel", souligne le président de la Confédération Marocaine des Exportateurs (ASMEX), Hassan Sentissi El Idrissi, relevant que l’origine marocaine est désormais perçue sur de nombreux marchés comme un gage de qualité, de sérieux, de durabilité et d’innovation.
Il s’agit d’un capital réputationnel construit progressivement, à la faveur d’une diplomatie économique proactive, de performances logistiques devenues références continentales et d’une montée en gamme industrielle continue.
Une architecture normative au cœur de la crédibilité
Pour autant, comme le rappelle M. Sentissi, un label n’a de sens que s’il repose sur une architecture normative rigoureuse.
"Les critères doivent être clairs et solides : seuils de transformation locale, traçabilité complète, conformité aux normes techniques et cohérence avec les règles d’origine reconnues à l’international", insiste-t-il.
La crédibilité du "Made in Morocco" se jouera donc sur le terrain exigeant de la certification, loin de toute approche symbolique ou déclarative.
Dans cette optique, l’Association professionnelle des marques marocaines (APMM) a fixé un seuil d’intégration locale supérieur à 40%, conçu comme un point d’équilibre entre ambition industrielle et faisabilité économique.
Pour Zakaria Abbass, expert en commerce international et en stratégie d’entreprise, cette évolution se reflète particulièrement dans le secteur automobile.
Renault Group Maroc affiche aujourd’hui un taux d’intégration locale supérieur à 65%, avec un sourcing national avoisinant 1,86 milliard d’euros, fait remarquer M. Abbass, rappelant que le secteur emploie plus de 220.000 personnes et vise un taux d’intégration de 80% à l’horizon 2030.
"Il ne s’agit pas d’un simple logo, mais d’un contrat de confiance entre l’entreprise, l’Etat et le consommateur", analyse M. Abbass.
Cette logique s’inscrit pleinement dans la stratégie nationale de substitution aux importations, qui vise à générer 34 MMDH de production locale dans des secteurs jugés critiques, notamment la santé, l’agro-industrie, la chimie et les composants industriels.
L’objectif, précise l’expert, n’est pas l’autarcie, mais la sécurisation des chaînes de valeur stratégiques et le renforcement de la résilience face aux chocs extérieurs.
Le défi de la reconnaissance internationale
Dans une économie mondialisée, la portée d’un label national dépend largement de sa reconnaissance par les acheteurs internationaux. C’est là que se joue le véritable pari du "Made in Morocco".
Sur ce volet, M. Sentissi identifie à ce titre trois défis structurants. Le premier concerne la certification. La crédibilité du label repose sur des processus d’évaluation conformes aux standards internationaux, avec une reconnaissance mutuelle dans les pays cibles afin d’éviter tout obstacle technique au commerce.
Le deuxième défi est celui de la communication internationale. "Les marques sont devenues des instruments de puissance économique", rappelle le président de l’ASMEX. Le succès du label dépendra ainsi de sa capacité à porter un message clair et cohérent autour de la qualité, de la fiabilité, de l’innovation et de la durabilité, tout en construisant une préférence durable pour l’origine marocaine.
Enfin, le troisième enjeu est la protection juridique. "Un label non protégé peut être usurpé", prévient M. Sentissi. La protection du "Made in Morocco" impose une coordination étroite entre les institutions publiques et privées afin d’éviter la dilution de l’image du label par des initiatives concurrentes ou incohérentes.
Vers une diplomatie économique structurée autour du label
Consciente de ces enjeux, l’ASMEX a intégré le "Made in Morocco" comme axe structurant de sa stratégie à l’horizon 2030. Des programmes dédiés aux petites et moyennes entreprises (PME) sont en préparation, incluant diagnostic, formation et accompagnement vers la mise en conformité.
Le label sera également mis en avant lors des missions économiques et des participations aux salons internationaux.
La coordination avec l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (OMPIC), l’Agence Marocaine de Développement des Investissements et des Exportations (AMDIE), l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), l’Institut Marocain de Normalisation (IMANOR) et les conseillers agréés sera renforcée pour garantir la cohérence du dispositif.
"Notre ambition est simple : que chaque exportateur marocain se sente outillé, protégé et visible", résume M. Sentissi.
Lancé lors de la troisième édition de la Journée nationale de l’Industrie, tenue les 3 et 4 novembre 2025 à Rabat, le label "Made in Morocco" certifie l’origine et la qualité des produits industriels marocains. Ouvert à tous les producteurs implantés au Maroc, il a pour but de valoriser les ressources locales, le savoir-faire national et à promouvoir les produits marocains sur les marchés national et international.
Avec ce label, le Maroc a signé son ambition de compter durablement parmi les plateformes industrielles crédibles et reconnues à l’échelle mondiale.
MAP: 30 décembre 2025