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Intelligence artificielle et oasis ou quand la datte épouse la data

Dans le silence de l'oasis, un souffle nouveau s'élève. Ce n'est ni le chant du vent parmi les palmes, ni la confidence des eaux glissant dans les Khettaras, mais une voix venue d’un autre monde, celle de l’Intelligence Artificielle (IA).

Ainsi, le monde rural oasien tente de se réinventer face au dépérissement des palmiers, aux ravages du bayoud et aux sécheresses inexorables. Désormais, ce n’est plus la datte qui trace l’avenir des oasis marocaines, mais les lignes silencieuses des données numériques.

C'est ainsi que cette nouvelle alliée numérique se met au service de l'oasis, lève le voile sur des anomalies invisibles à l'œil nu et devance les récoltes afin que le fruit du labeur ne dépende plus du caprice du sort, mais d'une stratégie planifiée.

Plus encore, l'IA s'avère essentielle pour la gestion des ressources hydriques.

"Cette technologie peut identifier les zones propices à la collecte des eaux pluviales, souvent gaspillées lors des épisodes d’inondations", a expliqué à la MAP Adil Moumane, chercheur en ressources hydriques à l’Université Ibn Tofail de Kénitra.

Pour l'universitaire, cette technologie nouvelle ouvre la voie à une identification précise des lieux les plus propices à l’implantation de barrages ou de bassins de rétention.

Selon lui, le défi majeur dans les zones oasiennes demeure le déclin des nappes phréatiques, qui ne dépend pas uniquement du climat ou des activités humaines, mais résulte d’une agriculture devenue extrêmement dépendante des réserves souterraines.

Bien avant que la question des nappes phréatiques ne devienne aussi critique, des initiatives pionnières avaient déjà vu le jour.

C’est le cas de l'Agence Nationale pour le Développement des Zones Oasiennes et de l'Arganier (ANDZOA), qui a mené "deux démonstrations pilotes lancées, en 2018, dans le cadre du Plan Maroc Vert et de la stratégie Green Generation", a relevé, de son côté, Mohamed Saada, représentant de l’Agence à Errachidia.

Elles ont permis de tester l’irrigation pilotée par tensiomètres, installés à différentes profondeurs sous des palmiers jeunes et matures. "L’objectif était double : économiser l’eau et améliorer les rendements, en adaptant les apports au comportement réel des racines", a-t-il expliqué à la MAP.

Abondant dans le même sens, Hamza Laaich, ingénieur en cartographie des sols, a souligné que la cartographie numérique reste un levier fondamental de compréhension du territoire oasien.

Au sein des palmeraies marocaines, les outils de cartographie numérique sont devenus des boussoles. "Ils compilent les données territoriales issues de sources diverses pour éclairer les décideurs dans le choix précis des zones d'intervention", a-t-il fait observer.

Pour parfaire cette compréhension du terrain, la télédétection spatiale constitue ainsi une source d’information grâce à laquelle "la gestion devient à la fois périodique, multi-échelle et adaptée aux spécificités de chaque oasis," a soutenu M. Laaich, également chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA).

Quant aux systèmes d'information géographique, ils constituent un pont entre savoirs ancestraux et outils modernes. Selon ce chercheur, ces systèmes permettent une meilleure interprétation du savoir-faire local, ce qui ouvre la voie à des applications dans des environnements similaires ou à de nouvelles formes d’adaptation.

Même son de cloche du côté de M. Moumane, pour qui l'IA ne tire pas sa substance d'un vide conceptuel, mais "analyse des données brutes du terrain, accumulées par les populations locales".

Sans rompre le lien avec l'héritage, l’IA se révèle être un prolongement naturel des savoirs ancestraux. Preuve en est que les Khettaras, ces systèmes d'irrigation millénaires, emblèmes d'une ingéniosité locale hors pair, sont optimisés par l’IA, a relevé M. Moumane.

Indubitablement, l’avenir des oasis marocaines se construit dans l’alliance harmonieuse entre héritage ancestrale et technologie moderne. Les espaces oasiens, loin d'être les vestiges d’un temps révolu, deviennent des leviers du développement durable. À la croisée de la palme et de l’intelligence artificielle, une nouvelle forme de vie prend forme, en constante évolution.

(MAP: 26 Mai 2025)

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